Le groupe parle d'Achtung Baby



Adam : Nous voulions que ce soit un album direct et complètement nouveau, mais nous ne savions pas encore comment y parvenir.

Larry : C’est la période où on a « abattu » The Joshua Tree mais aussi celle de la fin de U2 tel que nous l’avions connu.

Bono : Les grandes chansons recèlent toujours une sorte de tension, un équilibre parfait entre la douceur et l’amertume. One n’est pas une chanson sur l’unicité mais sur la différence.

Adam : The Fly est un déluge sonore bourré d’énergie, mais doublé d’un refrain angélique. Typique de l’association U2/Eno.

Bono : Il y avait une station de métro appelée Zoo Station, parce qu’elle s’arrêtait devant le zoo. Et la ligne qui y menait s’appelait U2. On a fait le morceau d’ouverture, avec les bêtes qui s’échappent de leurs cages. C’est plus un riff qu’une chanson.

The Edge : Zoo Station est une chanson qui a fini par prendre vie, quand Flood mixait et a commencé à introduire des distorsions assez fortes à la batterie.

Adam : (Even Better Than The Real Thing) Edge a eu une nouvelle pédale wha wha qui a créé une ampleur permettant de balayer une double octave et ça a tout transformé.

Bono : Even Better Than The Real Thing reflète mieux cette époque où les gens ne cherchaient plus la vérité mais des gratifications instantanées.

The Edge : (Until The End Of The World) on a dit à Wim (Wenders) : « C’est pour toi , mais on la veut aussi. » Il a été cool et a accepté. Alors on lui a dit: « Au fait, on t’emprunte le titre ! »

Bono : (Until The End Of The World) Je me suis levé un matin et je l’avais en tête, une conversation entre Jésus et Judas. « Ca va être un hit ! » s’est dit Ali.

Adam : (Until The End Of The World) C’est une de mes chansons favorites. L’atmosphère est grandiose, il y a une certaine tension dramatique.

Bono : Edge a alors eu une nouvelle pédale, avec laquelle il s’amusait, créant cette enveloppe sonique qui transformait un accord de guitare en un concert de marteau-piqueur des plus funky. J’étais dans une autre pièce et j’ai accouru. Je lui ai dit : « C’est quoi ce son ? » Il a répondu : « Je ne sais pas, je viens juste de le créer. » Et j’ai dit : « Il nous le faut absolument pour Mysterious Ways. »

The Edge : Mysterious Ways exprime la personnalité du groupe tout en gardant le rythme que nous recherchions »

Bono : Nous voulions intituler l’album Fear Of Women, puis Edge a trouvé la coda : « It’s All Right, It’s All Right ». Il voulait prouver quelque chose. Il a dit : “On n’a jamais eu une chanson qui disait “D’accord”. Alors, j’ai répondu : « D’accord ».

The Edge : Trying To Throw Your Arms Around The World est une plage de légèreté dans un album très sombre. C’est bien de l’avoir car le son d’Achtung Baby est vraiment celui du désespoir et de la résignation, et de toute la gamme de l’inquiétude entre les deux.

Bono : Ultraviolet (Light My Way) cache un sens très sombre : “Your love is a secret that’s been passed around.” La jalousie, l’infidélité. L’amour montre son mauvais visage.

The Edge : Ultraviolet (Light My Way) est une chanson épique, avec des aspects splendides, mais pas facile à jouer. Disons que ça ne deviendra jamais un standard populaire.

Adam : Who’s Gonna Ride Your Wild Horses est une chanson d’amour perdu, avec une mélodie et de l’émotion, mais je ne crois pas que nous l’ayons jamais capturée. Et nous n’avons jamais réussit à la jouer en live.

The Edge : (Who’s Gonna Ride Your Wild Horses) Ce n’est pas que nous ne savons pas la jouer en live, c’est plutôt qu’elle ne prend pas vie sur scène.

Bono : So Cruel est plus ou moins ma chanson. Une nuit à Dogtown, j’ai pris ma guitare et j’ai commencé à chanter. Les gens pensaient que c’était trop traditionnel, encore une chanson pour Roy Orbison, mais Flood a trouvé un moyen de bien l’intégrer à l’album.

Adam : So Cruel s’est améliorée grâce à des trucs de studio. Au départ c’était une musique acoustique. On n’imaginait pas que ça puisse se retrouver sur le disque, mais en une nuit Flood a complètement transformé le morceau.

The Edge : Dans cette romance sombre, Acrobat est assez vénéneux. C’est dans la tradition amère de Working Class Hero de John Lennon, féroce et cynique.

Bono : Acrobat est un de mes chansons préférées de U2, même si elle ne décolle pas comme je l’aurais espéré. Elle contient une sorte de manifeste : « Don’t believe what you hear, don’t believe what you see, if you just close your eyes, you can feel the enemy ». C’est une chanson sur notre propre spleen, notre propre hypocrisie, notre propre capacité à changer de forme et à prendre les couleurs de l’environnement qui nous entoure, comme un caméléon. « I must be an acrobat to talk like this and act like that ».

The Edge : Love Is Blindness termine l’album superbement et c’est sans doute l’une des meilleures chansons de Bono. Il l’a composée au piano même si ce n’est pas son instrument de prédilection.

Larry : C’est le rythme de batterie d’un autre morceau. Je pense même que c’est pris à I Still Haven’t Found What I’m Looking For, au ralenti.

Adam : C’était un album super dur à produire mais il n’y avait pas d’autre solution. Si on n’avait pas fait quelque chose qui nous plaisait, qui nous faisait flipper et remettait en cause tout ce en quoi nous croyions, alors on n’aurait eu aucune raison de continuer. On était à un tournant. Si ça n’avait pas été un grand album à tout point de vue, l’existence du groupe aurait été menacée.

Larry : C'est un disque épatant. J'en étais très fier. (..) Je me souviens de conversations entre nous où on se disait que ce n'était pas grave si ça ne marchait pas, si les gens n'aimaient pas, car c'était un grand album. Et que si c'était notre dernier album ce serait un bel adieu.

Adam : le nouveau U2 faisait tout ce que le U2 de The Joshua Tree n’aurait jamais fait. Je me souviens que Bono m’a demandé de poser nu pour la pochette. J’étais encore jeune, et l’idée de faire ça me plaisait, car j’avais observé l’œuvre de Robert Mapplethorpe et suivi l’évolution de la scène artistique photographique de New York. Je pensais que dans une société permissive, si on pouvait voir une femme nue sans aucune inhibition, alors on devait pouvoir regarder un homme nu exactement de la même façon. Je savais qu’il y aurait des conséquences, mais pour moi c’était l’occasion. Et c’était le disque idéal pour s’exprimer.

Bono : Cette photo est à l’origine de la légende selon laquelle Adam est le mieux équipé de tout U2…

Adam : C’est en effet ce que suggère la légende, mais je dirais que dans le camp U2, je suis plutôt le moins bien équipé.

The Edge : Faux. C’est sans conteste le mieux équipé, mais il ne le sait pas car il est aveugle.

Bono : Certains pensent que U2 a tendance à monter sur ses grands chevaux. En fait, je dois dire surtout qu’on est rudement bien montés, chez U2.