Analyse de "Achtung Baby"




ZOO STATION


Zoo Station est le premier titre de l'album Achtung Baby.

Zoo Station est une des trois chansons (avec The Fly et Ultraviolet (Light My Way) ) née de Lady with The Spinning Head (que l’on retrouve sur le Best-Of 1990-2000). Zoo Station a un son assez industriel. A cette époque, en effet, The Edge et Bono ont travaillé sur la composition de la musique d’une adaptation scénique d’Orange Mécanique par la Royal Shakespeare Company à Londres. A cette occasion The Edge s’est beaucoup intéressé à la musique industrielle, aux sons bruyants et abrasifs, produits par des batteries électroniques, et des distorsions sonores métalliques.

L’introduction de Zoo Station ressemble à du synthé mais c’est en fait de la guitare sur laquelle The Edge s’est essayé à créer d’étranges textures. Daniel Lanois est à l’origine de ce son particulier.
A cela se rajoute la patte de Flood qui a introduit des distorsions assez fortes à la batterie et la voix déformée de Bono.

Tout cela donne un son bien particulier à cette chanson.

Zoo Station tient son titre de la station de métro Zoo Station à Berlin. Cette station est desservie par la ligne U2 et ce qui a marqué Bono c’est que cette station est implantée directement devant le zoo de Berlin lui-même implanté en plein milieu de la ville !

Bono raconte, dans U2byU2, que les paroles de cette chanson lui sont venues après avoir entendu une histoire selon laquelle les animaux du zoo de Berlin se seraient échappés dans la ville après un bombardement nocturne qui a endommagé une partie du zoo. La chanson est comparée à une station de zoo réelle « elle (la chanson) a été écrite comme un morceau d’ouverture, les bêtes sortent de leur cage », comme si U2 sortait de sa cage.

Les paroles de la chanson annoncent un tournant dans la carrière de U2 « I'm ready, I'm ready for laughing gas » (je suis prêt, je suis prêt pour le gaz hilarant) tranche avec le sérieux des paroles des chansons des précédents albums de U2. Le groupe est prêt à autre chose, prêt à tourner la page, ils sont prêts à prendre des risques « Ready to let go of the steering wheel. » (Je suis prêt, prêt à lâcher le volant)
Le son nouveau de chanson annonce également la volonté de changer de registre, Adam déclare à ce sujet « Quand les gens écoutent l'album pour la première fois, nous voulons que leur première réaction soit de se dire que « ce disque est cassé »ou« ce ne peut être le nouvel album de U2, il y a eu une erreur ». Donc il y a une longue intro où vous ne savez pas ce que vous écoutez. »

La chanson est également imprégnée par les histoires personnelles du groupe. En 1991 Ali est enceinte pour la seconde fois et Bono déclare que les bébés ont largement influencé certaines paroles de Zoo Station « Ready to say I'm glad to be alive. I'm ready, I'm ready for the push. » (Je suis heureux de dire que je suis en vie. Je suis prêt, prêt pour la poussée/(naissance ?) )
Zoo Station a été jouée 228 en concert. Elle a été jouée 157 fois en ouverture de concert sur les 158 concerts du ZooTV Tour



EVEN BETTER THAN THE REAL THING


Even Better Than The Real est le deuxième titre de l'album Achtung Baby et est sortie en tant que quatrième single le 7 juin 1992.
Even Better Than The Real Thing est née d’un riff de guitare de The Edge. Ce riff a été compose durant les sessions de Rattle and Hum. Une démo de la chanson, intitulée « The Real Thing » a été enregistrée à l’époque. Le groupe a trouvé que ce riff avait quelque chose des Rolling Stones mais qu’il sonnait « profondément traditionnel ». Cette démo a été mise au placard jusqu’aux sessions d’enregistrement d’Achtung Baby aux Hansa Studios (Berlin) à la fin de l’année 1990.

C'est à cette époque que The Edge a acquis une pédale "Whawha" qui a donné une nouvelle orientation à la chanson.
Le nom de la chanson a également changé, Bono explique "On l’avait appelé The Real Thing, qui est vraiment un titre con pour une chanson. Alors avec nos yeux tout neufs, on a pensé que Even Better Than The Real Thing, c’était là où vivent les gens maintenant. Les gens ne cherchent plus la connaissance ou la vérité. Ils veulent vivre des expériences vraies, vivre dans l’instant. Les gens ne sont plus obsédés par la question : "La vérité, qu’est-ce que c’est ?" Ils veulent savoir : "A quoi ça sert ?" et la réponse est dans l’instant. C’est là où nous vivons, dans notre culture. Les choses intéressantes viennent de là, parce que c’est dangereux de vivre dans le présent, dans l’instant, au lieu de se pencher sur ce qui va se passer dans l’avenir. C’est dangereux politiquement, écologiquement, dans les relations, pour les familles. Mais c’est là que les gens sont actuellement."

Even Better The The Real Thing est une chanson qui montre à la fois la surface des choses mais aussi toute leur complexité. Les paroles "We're free to fly the crimson sky. The sun won't melt our wings tonight" (On peut voler dans le ciel cramoisi. Le soleil ne fera pas fondre nos ailes ce soir) qui montrent une certaine légèreté du moment s'opposent à "Well, my heart is where it's always been. My head is somewhere in between. Give me one more chance. Let me be your lover tonight" (Mon coeur est là où toujours été. Ma tête est quelque part entre les deux. Donne-moi encore une chance. Laisse-moi être ton amant ce soir) qui traduisent plutôt une rupture, un moment difficile à vivre pour le personnage, et un souhait ardent de retrouver l'amour perdu.
L'histoire raconte que Richard Branson a demandé au groupe l'autorisation d'utiliser Even Better Than The Real Thing pour le lancement de Virgin Cola afin de faire un pied de nez à son concurrent Coca-Cola qui utilisait depuis des années le slogan "The Real Thing" pour son soda. Le groupe refusa.
Even Better Than The Real Thing a été jouée 295 fois dont 156 fois durant le ZooTV Tour.



ONE


One est le troisième titre de l’album Achtung Baby. C’est le troisième titre de l’album à être sorti en single en mars 1992.

One est la chanson qui a fait naître Achtung Baby. Lors de l’enregistrement de l’album le groupe était dans l’impasse et des tensions internes déchiraient le groupe. C’est alors que One est née et a rassemblé le groupe !

The Edge raconte « J’essayais de prendre une de nos idées à moitié achevées et de lui donner de l’inspiration. Je suis parti dans une autre pièce et ai développé quelques montées d’accord qui, prises individuellement, ne marchaient pas. Danny Lanois a alors dit : « Et si tu les joues ensemble, l’une dans l’autre, ça donne quoi ? »Je jouais de la guitare acoustique et Bono a pris le micro et a commencé à improviser des mélodies, et en quelques minutes nous avions la base de la chanson, aux niveaux de la mélodie, de la structure et même des paroles »

Les paroles justement. Bono raconte que « les mots sont tombés du ciel ». En effet, à ce moment-là, le groupe avait reçu une invitation du dalaï-lama à participer à un festival intitulé Oneness. Le festival n’a pas trop interpellé Bono et il a répondu la chose suivante au dalaï-lama « Un, mais différent »

Tout à la fin du mixage de One, alors que tous étaient pressés par le temps, The Edge a souhaité ajouté un « super morceau de guitare » pour la fin de One, ce qu’il a fait, en une seule prise ! Et le morceau a finalement été mixé dix minutes plus tard.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire One n’est pas une chanson d’amour mais une chanson anti-romantique : « We are one, but we’re not the same, we get to carry each other » (Nous sommes un, mais différents, nous devons nous soutenir) le verbe « devoir » montre que l’on n’a pas le choix. One parle également du sentiment de culpabilité ressenti par quelque='un qui vient de rompre après une longue relation : "Have you come here for forgiveness ? Have you come to raise the dead ? Have you here to play Jesus, to the lepers in your head ?" (Es-tu venu pour demander pardon ? Es-tu venu pour ressusciter les morts ? Es-tu venu pour jouer à Jésus, pour les lépreux qui sont dans ta tête ?)

One raconte aussi les difficultés du groupe, son unicité face à l'adversité.

Selon une autre interprétation, One est aussi une chanson à propos d’un père et de son fils. Un père qui apprend l’homosexualité de son fils.
One a été jouée 633 fois et une fois en snippet. Elle a été jouée 156 fois durant le ZooTV Tour



UNTIL THE END OF THE WORLD


Until The End Of The World est le quatrième titre de l’album Achtung Baby.
Until The End Of The World a été construite autour d’un riff à la guitar de Bono. Comme pour Even Better The Real Thing, ce riff a été mis de côté et ressorti plus tard lorsque Wim Wenders a demandé au groupe de lui composer une chanson pour son film Until The End Of The World. Finalement la chansons plaisant au groupe, Ils ont demandé à Wim Wenders si cela ne le dérangeait pas qu’elle figure sur Achtung Baby et ils en ont profité pour lui « piquer » le titre.

Les paroles de la chanson ont été écrites par Bono alors qu’il séjournait à Wexford dans la maison de son père. La chanson parle d’une conversation entre Jésus et Judas. Bono a eut du mal à trouver le ton juste pour la chanter. Il raconte que peu de tonalités conviennent à sa voix. Pour cette chanson il a tenté de trouver une combinaison de graves et d’aigus sans y parvenir. La seule mélodie qui collait était très conversationnelle. Bono explique qu’Until The End Of The World était en fait une sorte de vision, une chanson sur la tentation.

Adam raconte que cela a pris du temps avant d’arriver au résultat final. Il dit « Flood a créé à moment donné ce fantastique son de guitare qui enveloppe la salle et les haut-parleurs. Ça a donné un son rock très séduisant. Larry a ajouté de jolies boucles aux percussions. »

La chanson parle de trahison, celle de Judas envers Jésus. Bono avait lu le livre Book Of Judas de Brendan Kennelly, cela a inspiré Bono. La chanson contient également une intense allusion sexuelle, on peut y retrouver des références à la prostitution, à la fellation, à l'orgasme. Un sentiment de culpabilité apparaît "I reached for the one I tried to destroy" (J'ai tendu la main à celui que je tentait de détruire). La trahison reste néanmoins le thème central de la chanson, tout tourne autour de cela. Elle évoque toutes les trahisons et toutes les indiscrétions qui étaient présentes au sein du groupe à cette époque.

Until The End Of The World a été jouée 491 fois et 156 fois durant le ZooTV Tour.



WHO'S GONNA RIDE YOUR WILD HORSES


Who's Gonna Ride Your Wild Horses est le cinquième titre de l'album Achtung Baby et est le cinquième single sorti en 1992.

Who's Gonna Ride Your Wild Horses était une démo que le groupe n'a jamais pu améliorer, tant et si bien qu'ils sont toujours revenus à l'originale. Le groupe tournait en rond avec cette chanson et ils ont appelé Steve Lillywhite à la rescousse. Bono raconte : "Steve a fait le mixage et a opté pour une explosion sonique. La chanson démarrait comme un truc de de Scott Walker, mais c'était trop riche. Daniel pense sans doute que ce qu'on a choisi est trop FM. Je crois qu'on a pas tout à fait réussi cette chanson sur le disque, pare qu'il y avait d'autres paroles qu'on a abandonnées. Celles-ci je les ai écrites en vitesse et on a foncé. Mais on a fait une autre version, qui est sortie sur 45 tours, qui est meilleure."

La chanson parle de jalousie sexuelle "Well you lied to me 'cos I asked you to" (tu m'as menti car je te l'ai demandé) et plus loin on trouve une allusion à la fellation "Who's gonna taste your saltwater kisses? Who's gonna take the place of me?" (Qui va goûter tes baisers à l'eau salée? Qui va prendre ma place ?)

Who's Gonna Ride Your Wild Horses a été jouée 79 fois dont 62 fois durant le ZooTV Tour.



SO CRUEL


So Cruel est le sixième titre d'Achtung Baby a été écrite par Bono, une nuit à Dogtown. les gens pensaient que c'était une chanson trop traditionnelle mais Flood a trouvé un moyen de l'intégrer à l'album. Adam raconte "So Cruel s'est améliorée grâce à des trucs de studio. Au départ, c'était une musique acoustique. je jouais de la basse acoustique et Edge de la guitare acoustique et Larry jouait du bodhran (tambour irlandais).

On n'imaginait pas que ça puisse se retrouver sur le disque, mais en une nuit Flood a complètement tranformé le morceau. Il a calé ma partie de basse sur le bodhran de Larry, ce qui a donné une sensation bien plus pétillante, à contretemps, et nous avons réengistré quelques trucs et avons laissé lapartie tambour continuer toute seule sur la fin."

So Cruel est la complainte d'un amoureux éconduit mais qui est toujours sous le charme de sa persécutrice. C'est un morceau sombre, masochiste. Elle décrit l'infidélité et le sentiment trahison qui l'accompagne.

So Cruel a été jouée seulement 3 fois en concert durant le ZooTV Tour



THE FLY


The Fly signe la rupture définitive avec le passé désirée par U2. Rupture du coté des paroles, Bono déclarant à Rolling Stone : « Cette chanson fût écrite comme un coup de téléphone depuis l’enfer, mais le type s’y plaisait. Il y avait ce type en fuite : « Bonjour chérie, il fait chaud mais ça me plait ici ». Ce personnage est au bord de la folie ». Rupture du coté de la musique, le même Bono affirmant : « C’est le son de quatre types en train d’abattre le Joshua Tree ».

La chanson doit beaucoup au costumier du groupe, Fintan Fitzgerald, qui offrit à Bono un recueil de truismes de Jenny Holger. « Ces aphorismes d’une ligne m’intéressèrent beaucoup, déclara Bono, j’en avais moi-même écrit. Alors j’ai inventé ce personnage qui pouvait les prononcer tous, de « A liar won't believe anybody else » (Un menteur ne croit personne) à « A friend is someone who lets you down » (Un ami, c’est quelqu’un qui vous laisse tomber). C’est de là que vient The Fly ». Et il ajoute : « Je trouvais que c’était un personnage fascinant. Je pensais que je pouvais réellement faire quelque chose avec, surtout sur scène, parce que des rumeurs de mégalomanie avaient circulé à mon sujet, et je me suis dit : « Hé bien on va leur donner un mégalo ! ».

The Fly
prends corps grâce à une paire de lunettes noires en forme d’yeux de mouches dénichées par le même Fintan Fitzgerald. Bono avait pris l’habitude de les porter pour détendre l’ambiance pendant les maussades séances d’enregistrement d’Achtung Baby. Il s’aperçut au fil du temps que le fait de se glisser dans la peau de ce personnage lui permettait de dire et de faire des choses que le jeune homme un peu pudibond du Joshua Tree ne se permettait pas. The Fly était né : vêtu de cuir noir, ce personnage égomaniaque et délirant arpentera la scène du Zoo TV tour en prenant des poses suggestives et se substituera à son alter ego Bono lors des apparitions publiques du groupe.

Rythmes de dance music, voix distordues et gros son industriel : The Fly constitue aussi une expérience musicale totalement nouvelle pour U2. « Nous avons enregistré The Fly, dira Bono, et le son de la guitare d’Edge ressemblait au vrombissement d’une mouche qui aurait réussi à pénétrer dans votre cervelle ». Quand au son des percussions de Larry Mullen, elles faisaient penser à « quelque chose comme taper sur des boîtes de conserves », d’après l’auteur Albin Zak. La voix de Bono elle aussi a été trafiquée au maximum afin de devenir presque méconnaissable. Une des techniques utilisées était « la double voix », consistant à doubler la voix, mais avec des enregistrements faits sur deux octaves différentes, et parfois avec des paroles également différentes. Bono chantait l’une des deux parties en falsetto, appelant cela « Fat Lady voice », technique qu’il emploiera également par la suite sur des titres comme Lemon ou Numb. Finalement, Adam Clayton exprimera assez clairement le sentiment du groupe après l’enregistrement de ce titre en disant : « A ce moment, il était impossible de dire si les fans allaient suivre Bono sur ce chemin si particulier, et cette chanson, c’était « le saut de la foi ».

The Fly a été le premier single de l’album Achtung Baby à être sortir, précédant l’arrivée de l’album dans les bacs d’un mois. La chanson avait été choisie justement à cause de son caractère novateur, comme un test pour juger de la réaction du public. Elle reçut un accueil extrêmement favorable, puisqu’elle fût le second titre de U2 à devenir le n° 1 au Royaume –Uni (après Desire). D’une façon générale, la chanson a atteint des places plus qu’honorables partout dans le monde (n° 6 en France) excepté aux Etats-Unis où elle ne dépassa jamais la 61ème place.

The Fly a également constitué un morceau de choix lors des shows du groupe depuis sa création, particulièrement lors du Zoo Tv Tour, où elle été jouée en ouverture de tous les concerts, Bono conservant son costume et son rôle de « mouche » pendant toute la première partie du spectacle. Après avoir été seulement évoquée sous forme de snippets pendant le Popmart Tour, elle a été jouée depuis lors de toutes les tournées du groupe, avec divers aménagements dans les arrangements ou les paroles. Lors du 360° Tour, elle a d’abord fait un retour indirect au début du leg 3, Bono arborant de nouveau un costume et des lunettes très similaires à celles de The Fly après son opération du dos. Mais elle n’a été chantée que lors du dernier leg (14 fois sur 25 shows), et a fait partie de la dernière setlist du groupe à Moncton.



TRYING TO THROW YOUR ARMS AROUND THE WORLD


Pour The Edge : "Trying To Throw Your Arms Around The World est une plage de légèreté dans un album très sombre. C’est bien de l’avoir car le son d’Achtung Baby est vraiment celui du désespoir et de la résignation, et de toute la gamme de l’inquiétude entre les deux ».

Trying to Throw Your Arms Around the World est effectivement une charmante ballade à propos d’un homme rentrant chez lui ivre mort au petit matin, et essayant de prendre le monde entier dans ses bras. Elle est d’ailleurs dédiée au nightclub « Flamming Colossus » de Los Angeles que le club fréquentait beaucoup en 1988 quand il travaillait sur Rattle and Hum, et qui servit de modèle pour « The Kitchen », la boîte de nuit installée à l’hôtel Clarence à Dublin.

Bono ajoute : « C’est une chanson à boire et nous n’étions pas un groupe connu pour nos démêlés avec l’alcool, même si cela changeait assez rapidement. Ce que les gens font à dix-huit ou dix-neuf ans, se saouler ou être irresponsable, moi je l’ai fait juste avant mes trente ans, à Los Angeles. Ali a été formidable, elle a reconnu que j’avais besoin de passer par cette phase. C’est une chanson qui parle de l’ambition de celui qui boit, mais de façon assez drôle, pas tant la mégalomanie que l’ambition de rentrer chez soi sain et sauf. Je l’ai écrite en Australie en une nuit, alors que mon bébé me manquait. Nous venions d’écouter Serge Gainsbourg et c’est en partie inspiré de Je t’aime »

Le texte reste célèbre pour l’aphorisme “And a woman needs a man like a fish needs a bicycle” qui n’est pas de Bono mais de la journaliste et féministe australienne Irina Dunn. Celle-ci avait voulu paraphraser un philosophe : « Man needs God like fish needs a bicycle » pour démontrer que les femmes n’avaient pas besoin des hommes davantage que les hommes des femmes.

Pendant le Zoo TV Tour, un Bono au meilleur de sa séduction utilisait cette chanson pour arpenter le catwalk muni d’une bouteille de champagne et inviter sur scène une ou plusieurs fans pour des moments plein d’humour et de sensualité débridée. Les bonus du DVD du spectacle contiennent un amusant best-of de ces instants plutôt délirants.

La chanson n’a plus jamais été interprétée sur scène depuis la fin du Zoo TV Tour.



MYSTERIOUS WAYS


L’histoire de Mysterious Ways débute par une ligne de basse créée par Bono, The Edge et Adam Clayton aux studios STS de Dublin, lors des premières sessions de travail sur Achtung Baby. La mélodie de base plaisait au groupe, mais celui-ci avait du mal à en faire une chanson. Pour The Edge : « Adam avait créé un morceau de basse super et le tout était de trouver des moyens de jouer avec les cordes par-dessus sans avoir à changer cette partie » tandis que pour Bono, c’était « une ligne de basse à la recherche d’une chanson ».

La situation n’avait guère évolué lors de l’arrivée de U2 aux studios Hansa de Berlin, dans une ambiance de crise très tendue, où une divergence de vue sur la direction à donner à ce titre fût l’occasion d’une dispute mémorable entre Daniel Lanois et Bono. Deux heures d’une altercation si violente que leur ingénieur du son Joe O’Herlily crut qu’ils allaient en venir aux mains.
Finalement, l’inspiration revint après que The Edge ait commencé à utiliser une nouvelle pédale d’effets et que Larry, alors en plein doute, ait retrouvé son rôle à part entière. The Edge raconte : « Larry s’est joint à nous à la fin et nous a montré la différence entre une batterie et un véritable batteur en créant un rythme beaucoup plus groovy. Cette chanson exprime la personnalité du groupe tout en gardant le rythme que nous recherchions ». Bono de son coté à qualifié la chanson de « U2 a son niveau le plus funky ».

Mysterious ways se trouve également à l’origine de la chanson One et de la renaissance de U2. C’est effectivement en partant du « bridge » de Mysterious Ways que The Edge composa le riff de départ de One, chanson improvisée en quelques minutes, et surtout symbole de la sortie de l’impasse dans laquelle le groupe était bloqué depuis plusieurs mois.

Les paroles doivent beaucoup à The Edge qui insista pour le que début rappelle une comptine : « Johnny, take a walk with your sister in the moon / Let her pale light in to fill up the room », et qui trouva la coda « It’s All Right, It’s Al Right ». D’après Bono : « Il voulait prouver quelque chose. Il a dit : « On n’a jamais eu une chanson qui disait : « D’accord ». Alors, j’ai répondu : « D’accord ».

Quand à la signification de la chanson, elle est sujette à diverses interprétations selon qu’elle est comprise comme un hymne à la femme ou comme un texte au contenu plus religieux. Laissons d’abord la parole à Bono : « Cette chanson parle d’un homme qui vit avec peu ou pas de romance. C’est une chanson sur les femmes, ou sur une femme, mais elle lui est adressée ».

"Mysterious ways ne parle par d’une femme en particulier mais des femmes en général, et de leur façon de séduire (et souvent de dominer) les hommes. « Ali me dit souvent : « Bon sang, vas-tu me laisser descendre de ce piédestal ?, ajoute Bono. Quelquefois j’idéalise les femmes. C’est facile de tomber dans le piège en les séparant en anges et démons pour faire plus dramatique. Mais il n’y a absolument rien d’antiféministe là-dedans. Nos chansons ne sont pas politiquement correctes. Elles sont écrites du point de vue d’un homme. Il se débat avec différentes choses, on remarque un éclair de colère et de douleur de temps à autre. Mais je ne crois pas que les femmes s’en tirent si mal ».

Mais tout n’est pas si simple : lorsqu’il parle de cette chanson, Bono évoque aussi El Shadi, le troisième nom de Dieu dans la Bible, que l’on peut traduire par « l’être avec des seins ». « J’ai toujours pensé que l’esprit est féminin », explique Bono, ouvrant ainsi la porte à d’autres interprétations d’ordre spirituel : « Spirit moves in mysterious ways » ou encore le fameux : « If you want to kiss the sky, better learn how to kneel… On your knees boy ! », Interprété soit comme une allusion sexuelle, soit comme une invitation à la prière. Les deux interprétations se rejoignant peut-être à la fin de la chanson sur la notion d’amour avec le puissant : « Lift my days, light up my nights, love ! ».

Pendant la tournée Zoo Tv, Bono interprétait Mysterious ways en compagnie d’une troublante danseuse du ventre (symbolisait-elle la Salomé de la Bible ou une tentatrice ? Toujours la même ambiguité…). Ce rôle, tenu au départ par Christina Petro, fut repris à partir de l’Outside Broadcast tour par la chorégraphe du tour, Morleigh Steinberg. Celle-ci commença à fréquenter The Edge pendant la tournée avant de devenir sa femme en 2002.

Mysterious Ways est sortie en tant que deuxième single de l’album Achtung Baby le 25 novembre 1991. Très bien accueillie par la presse, elle atteignait le n°9 au classement Bilboard (un des meilleurs classements de U2 aux Etats-Unis). La chanson arriva n° 8 en Allemagne, mais seulement au 13ème rang au Royaume-Uni. Il faut signaler enfin qu’elle est l’un des deux titres à avoir été enregistrés par U2 à Berlin (avec One).



ULTRAVIOLET (LIGHT MY WAY)


Avec The Fly et Zoo Station, Ultraviolet (Light My Way) fait partie des trois titres d’Achtung Baby issus de Lady With the Spinning Head, une chanson que le groupe n’arrivait pas à finaliser et qui est finalement sortie en tant que B-side de One.

La chanson est construite sur le contraste entre des paroles très noires et un refrain plutôt léger et pop : « Baby, Baby, Baby, light my way ». Les paroles sont le reflet d’un malaise au sein du couple : “Oh, sugar, don't you cry / Oh, child, wipe the tears from your eyes / You know I need you to be strong /And the day it is dark, as the night is long “.
Bono en parle ainsi : « Ultraviolet (Light My Way) était un peu loufoque : « There’s a silence that comes to a house when no one can sleep » est une formule vraiment géniale, et je peux le dire en toute modestie car je l’ai piquée à Raymond Carver. Toutes mes excuses. C’est une chanson épique de U2, mais une fois de plus son rythme m’a permis d’être dans le ton de la conversation et a donné un autre type de chanson. Son refrain sonnait Motown : « Baby Baby Baby Light My Way ». C’était le summum en matière d’utilisation du mot “Baby”. Mais la chanson cache un sens très sombre : « Your love is a secret that’s been passed around ». La jalousie, l’infidélité. L’amour montre son mauvais visage ».

Le refrain a donné lieu à de multiples discussions et fou-rires au sein du groupe, chacun se demandant comment Bono allait arriver à gérer ces multiples « Baby, Baby, Baby », un des clichés les plus éculés utilisés dans les chansons pop. Mais comme conclut Flood : « Il a fini par s’en sortir ».

Ce même refrain a donné lieu à d’autres interprétations d’ordre spirituel, certains voyant dans “Light My Way” une allusion au livre de Job : « Oh that I were as in months past, as in the days when God preserved me / When his candle shined upon my head, and when by his light I walked through darkness “.

De même le titre Ultraviolet a pu être interprété comme « la métaphore d’une force divine à la fois invisible à l’œil nu et inimaginable pour l’esprit humain ».

La musique est caractéristique du « son Motown », ce qui donne à la chanson une ambiance très pop. Pendant l’enregistrement du titre, Larry laissa échapper une de ses baguettes, ce qui s’entendait très distinctement sur la bande, et le groupe eut bien du mal à décider s’il laissait les choses en état ou non. Avec d’un coté les arguments de Brian Eno « Pourquoi maquiller les choses ? » et de l’autre, la position de Larry se demandant pourquoi laisser cette maladresse sur un disque. Finalement, elle restera après un débat de plus de trois heures.

En concert, Ultraviolet n’a été jouée qu’en rappels. Tout d’abord lors du Zoo TV Tour où elle fût interprétée pendant les quatre premiers legs. Ensuite durant le 360° Tour, où Bono apparaissait dans le noir vêtu d’une veste à leds et s’accrochant à un micro lumineux, ce qui lui permettait d’illustrer les tourments décrits dans les paroles en suspendant ou tordant son corps pendant toute la chanson. A partir du leg 3, elle fut de plus en plus fréquemment remplacée par Hold Me, Thrill Me, Kiss Me, Kill Me .



ACROBAT


Acrobat est l’un des titres les plus sombres d’Achtung Baby. Sombre par la musique, sombre par les paroles.

La chanson a été bâtie à partir d’un riff trouvé par The Edge lors d’un soundcheck en Nouvelle-Zélande lors du Lovetown tour, riff mêlé à diverses influences connues par le groupe durant la préparation d’Achtung Baby. A l’époque le groupe écoute des sons relativement industriels comme KMFDM , The Young Gods, My Bloody Valentine, Sonic Youth. The Edge apprécie particulièrement le style métal, ce qui fait prendre au groupe des voies musicalement plus dures qu’auparavant.

Pour les paroles, le groupe se trouve également sous l’influence d’auteurs comme Roy Orbison, Scott Walker et même Jacques Brel, ce qui fait d’Acrobat une chanson « à propos de la faiblesse, de l’hypocrisie et de l’insuffisance ». Bono est également influencé par le travail de l’écrivain Delmore Schwartz, à qui la chanson est dédicacée. Il inclut d’ailleurs dans le texte d’Acrobat le titre de la nouvelle la plus connue de Delmore Schwartz : « In Dreams Begin Responsibilities ».

Voici ce que dit Bono à propos de cette chanson : « Acrobat est une de mes chansons préférées de U2, même si elle ne décolle pas comme je l’aurais espéré. Elle contient une sorte de manifeste : « Don’t believe what you hear, don’t believe what you see, if you just close your eyes, you can feel the enemy ». C’est une chanson sur notre propre spleen, notre propre hypocrisie, notre propre capacité à changer de forme et à prendre les couleurs de l’environnement qui nous entoure, comme un caméléon : « I must be an acrobat to talk like this and act like that ».

La chanson aborde aussi l’aliénation spirituelle avec les vers : “And I'd join the movement / If there was one I could believe in / Yeah I'd break bread and wine / If there was a church I could receive in / Cos I need it now “.

The Edge est tout aussi lucide : « Dans cette romance sombre, Acrobat est assez vénéneux. C’est dans la tradition amère de Working class Hero de John Lennon : féroce et cynique. Ce n’est jamais devenu un des favoris en live, sans doute parce que je ne pense pas que nos spectateurs venaient pour ce genre de chanson, mais je l’aime vraiment bien » (pour être exacts, précisons qu’Acrobat n’a d’ailleurs jamais été jouée en live. Elle a seulement été répétée avant certains shows du Zoo TV Tour).

L’accumulation de toute cette nouvelle dureté déconcertera encore davantage Daniel Lanois : « Il voulait qu’on joue sur nos points forts, explique Bono, et je ne voulais pas. Je voulais jouer sur nos faiblesses ».

Malgré toute cette noirceur, il y cependant de la lumière dans le magnifique texte d’Acrobat. Par exemple le conseil : « Don't let the bastards grind you down », bien qu’il ait été interprété par Gavin Friday comme une réponse aux critiques envers Rattle and Hum, peut être aussi interprété comme un encouragement à réagir.

Note d’espoir et d’encouragement aussi avec : « And you can dream / So dream out loud », injonction que l’on retrouvera peu après comme en écho dans la chanson Zooropa (« She's gonna dream out loud, dream out loud »).



LOVE IS BLINDNESS


Love Is Blindness est la dernière chanson de l’album Achtung baby. Elle constitue la chanson la plus sombre de la trilogie Ultraviolet (Light My Way)/ Acrobat / Love Is Blindness qui clôt l’album, et dont Bill Flanagan disait : « Elles traitent de la façon dont les couples se débrouillent avec les souffrances qu’ils se sont mutuellement infligé ».

La chanson a été composée pendant la période Rattle and Hum, mais n’a pas été intégrée à l’album car le groupe pensait qu’elle n’était « pas assez U2 ». En fait, elle avait été composée alors que Bono fréquentait le Blue Jaysus de Dublin, un Club tenu par Gavin Friday où divers comédiens et musiciens venaient interpréter des nouveautés en petit comité. Bono, qui l’avait composée au piano, rêvait de la voir interprétée par Nina Simone, une de ses chanteuses préférées.

Au moment de l’enregistrement de ce titre pour l’album Achtung Baby, The Edge était en pleine séparation d’avec sa femme Aislinn O’Sullivan, ce qui affectait énormément tout le groupe, comme l’a expliqué Bono : « Nous avons grandi avec ces gens, c’est notre famille, notre communauté. C’était vraiment très dur pour nous, comme une première fêlure sur la jolie porcelaine à fleurs que constituait notre musique et notre communauté, tout cela commençant à se lézarder… ». De son coté, Edge expliqua que le voyage à Berlin lui avait permis de s’échapper de son mariage en plein naufrage : « C’était comme un refuge d’une certaine façon. Mais ça n’a pas marché. Parce que ce n’était pas dans un état d’esprit positif. Je suppose que je fuyais ».

En revanche, au moment de l’enregistrement du titre, The Edge passa toute sa rage dans un solo de guitare que le journaliste Bill Wyman a comparé à « la fraise d’un dentiste ». Bono confirme : « Toute sa vie est sortie quand il s’est mis à jouer… Quand il est arrivé au solo, une corde à cassé et il a juste continué à jouer encore plus fort. Une autre corde a cassé. Lui qui a un toucher si délicat, qui est d’habitude si doux… Tout ça lui avait donné une espèce de rage. Et il n’y a pas une fausse note !". The Edge considère pour sa part que « Love Is Blindness termine l’album superbement et c’est sans doute l’une des meilleures chansons de Bono ».

Bono, quant à lui, commente les paroles sombres et désespérées de ce titre de la façon suivante : “Love Is Blindness clôt l’album avec élégance. Il y avait une référence à la petite mort, qui peut être comprise comme un évanouissement pendant l’orgasme ou une image du terrorisme. Je mélangeais la vie privée et la politique. « A Little death without mourning no call and no warning ». Il n’y a rien de plus dangereux qu’une idée – ou une personne – qui a presque raison. Vous savez le XXème siècle a mis plus de cent ans pour se débarrasser du communisme ».

Love Is Blindness a été jouée lors de 154 des 157 concerts du Zoo TV Tour, la plupart du temps en fin de concert ou juste avant la reprise de Can’t help falling in Love d’Elvis Presley par Bono. Celui-ci a souvent choisi ce moment pour danser un slow avec une fan choisie dans le public. Par la suite, la chanson a été jouée seulement à deux reprises : à Calgary pendant l’Elevation Tour et à Buenos Aires lors du Vertigo Tour.